INTRODUCTION À LA PHILOSOPHIE

INTRODUCTION À LA PHILOSOPHIE

La philosophie ? « On doit se consoler de ne point avancer dans ce pays car ceux qui n’y sont jamais allés en savent presque autant que ceux qui en reviennent » disait Charles de Fresny. Quel est le contenu de ce « presque » ?
Autrement dit, à quoi bon « faire de la philosophie » ?
Et d’abord, que recouvre ce terme étrange ?

Pour le comprendre, revenons tout d’abord à l’étymologie de ce terme :

Philia = amour, amitié
Sophia = sagesse, mais aussi savoir.

Un premier problème surgit dès l’abord : si la sagesse est une attitude critique, qui nous met à distance des pré-jugés (ce qui est jugé avant toute connaissance) et des passions, ne se distingue-t-elle pas, à ce titre, du savoir, qui lui-même est déjà un préjugé ?
Telle est l’ambiguïté première de la philosophie. Comment rejeter nos préjugés (et donc notre pseudo-savoir) tout en cherchant à rebâtir une connaissance ?
Et de quelle connaissance s’agit-il dans ce cas ?
La philosophie, nous l’avons dit, est étymologiquement amour de la sagesse. Cette idée d’« amour » est essentielle.
En effet, la philosophie n’est pas la sagesse. Elle est davantage une recherche de la vérité qu’une possession. Elle excelle à développer en nous l’esprit critique, tout comme celui de tolérance.
Ce qui caractérise le fanatique, c’est qu’il est sûr de détenir la vérité. La philosophie consiste au contraire à dire que la vérité n’est à personne, et qu’aussi loin que nous marchions, elle sera toujours devant nous.
Ainsi, elle n’est ni heureuse de la possession d’un savoir absolu ni en proie aux tortures d’un scepticisme désespéré. Elle est inquiète, à la recherche de la vérité dans toutes choses. Elle est un effort de ré-flexion, c’est-à-dire de retour de l’esprit sur lui-même.
C’est ainsi que Socrate prétendait n’enseigner aucun savoir mais désirait faire réfléchir ses auditeurs.
Par exemple, Socrate demande à Menon ce qu’est la vertu et Menon répond que la vertu consiste à savoir commander aux hommes. Socrate lui fait alors remarquer qu’un enfant ou un esclave peuvent être vertueux sans pour autant commander. Menon se trouble alors et cherche une autre définition. On le voit ici, Socrate ne transmet pas un savoir à Menon. Il se contente de l’interroger sur son savoir et le pousse à remettre en question ses certitudes (cette technique s’appelle la maïeutique . Socrate, dont la mère était sage femme, disait volontiers à son propos qu’il accouchait les âmes ).
L’intérêt de la philosophie, c’est de revenir sur son savoir antérieur, sur son expérience, afin de les méditer.
Cependant, ce n’est pas parce que la vérité n’appartient à personne que tout le monde à raison. En effet, Socrate ne sait pas ce qu’est la vertu, mais il sait que Menon est dans l’erreur, dans l’a priori car sa réponse ne saurait être soutenue par la raison (les esclaves et les enfants peuvent également être vertueux).
La philosophie refuse les a-priori et est un enseignement pour éviter l’erreur. Elle ne fournit pas la réponse, mais montre la bonne direction pour la trouver.
Néanmoins, force est de constater que cette discipline n’a pas de résultat, pas d’aboutissement : « tout ce que je sais, c’est que je ne sais rien. » disait Socrate. C’est son côté stérile, son inutilité concrète et pratique qui déroute et qui a fait dire à Ambrose Bierce : « Elle est un itinéraire, composé de plusieurs routes, qui mène de nulle part à rien ».
En mathématiques par exemple, une équation admet une solution ou est impossible. En politique, le leader charismatique peut utiliser des courants de pensées philosophiques pour en déduire une loi, une réponse. Lors d’une révolution, le philosophe va interroger le régime, mais c’est le politique qui va le renverser. On ne fait pas des révolutions avec des théories mais avec des armes.
La philosophie est rejetée de la sphère du pratique par sa nature même. Il ne faut pas attendre d’elle une vérité, il faut y chercher une nouvelle façon de concevoir des problèmes. Car le grand pouvoir de la philosophie, son « savoir » en quelque sorte, c’est d’avoir su poser les bonnes questions.
La philosophie est donc libératrice des a-priori et des dogmes. Par là même elle est aussi dangereuse. En effet, philosopher c’est créer son propre chemin, c’est se donner à soi même la force de devenir . « Deviens ce que tu es » disait Nietzsche. Mais suivre cette voie, c’est risquer de devenir complètement celui que je suis, ce qui représente un réel danger. C’est ainsi que Socrate meurt en prison : devenir celui que je suis , c’est vouloir convaincre les autres, au risque de les scandaliser. De toute façon, le philosophe s’exclut de la doxa , et par là même il est en danger.
C’est ce que nous allons à présent développer en étudiant le Mythe de la caverne de Platon.


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 Devenir = venir de

 Opinion commune

Messages

  • 24 avril 2011, 22:20, par NuhmidOn ne fait pas des révolutions avec des théories mais avec des armes.Pas d’accord ; La révolution se fait dans la tête. Qui a vraiment fait 89, est-ce Rousseau ou le sans-culotte ?
    qui a fait la révolution d’Octobre, est-ce Marx ou l’ouvrier qui se révolte ?
    Les armes viennent dans les mains de ceux qui « comprennent » que « ça ne peut plus durer ainsi » et cette compréhension est d’abord celle d’un homme qui invente, et nous porte au-delà de ce qu’on croit être « ainsi et pas autrement ».
    • 25 avril 2011, 14:37, par Gaëlle Sartre-DoubletConcrètement, je vois mal Rousseau avec une baïonnette à la main 🙂
      Évidemment, les philosophes fournissent des armes… conceptuelles.
      Mais quand un BHL en goguette agit concrètement pour des interventions guerrières, ne sort-il pas de son rôle ?
      Alors oui, je pense que ce sont plutôt les sans-culottes qui font les révolutions. Ils ont faim, eux…

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