LA VÉRITÉ

LA VÉRITÉ

En ces temps de crise où chacun prétend détenir la vérité, qu’elle émane des politiques, des experts ou qu’elle soit issue de la parole sacrée des religions monothéistes, une question s’impose : « La Vérité », c’est quoi au juste ?

Les philosophes comme les scientifiques sont centrés sur l’idée de vérité, terme de toutes leurs recherches. On peut distinguer deux dimensions de la vérité :

– L’une, formelle, consiste dans la cohérence du discours avec lui-même (pensez aux sciences non-empiriques, logique et mathématiques par exemple – Epistémologie, notion n°1) : sa seule condition de validité est de ne pas présenter d’aspects contradictoires d’un point de vue logique, sans pour autant être confrontée au réel.

– L’autre, matérielle, réside dans l’accord de concepts ou de théories avec des phénomènes (Cf. les sciences empiriques mais aussi certaines sciences humaines, comme l’histoire par exemple), le phénomène étant ce qui apparait, ce que l’on voit, ce qui appartient au monde sensible.

Ces deux aspects de la vérité recouvrent un double questionnement :

– A partir de quand puis-je admettre qu’une théorie est valide d’un point de vue logique ? C’est la question des critères du vrai, d’un point de vue formel.

– Puis-je réellement connaître la vérité « en soi » ?
C’est la question de la nature du vrai, d’un point de vue matériel.

En effet, comme nous l’avons vu en épistémologie, ce n’est pas parce que j’admets qu’une théorie est valide qu’elle est vraie. Elle peut être vraie « en soi » sans pour autant traduire une quelconque réalité.

Nous pouvons dégager 3 niveaux distincts de « vérité » :

– La vérité absolue, « en soi » : la chose existe en dehors de moi dans sa vérité. C’est, par exemple, ce que revendique la parole sacrée des religions monothéistes lorsqu’elle affirme « Dieu existe ».

– La vérité subjective : « à chacun sa vérité » et mon opinion vaut bien celle d’un autre.

– La vérité objective : le discours rationnel qui tente de coller au réel et de le décrire, c’est-à-dire le discours scientifique.

Dans ce contexte, la philosophie est par essence la discipline qui est en permanence à la recherche du vrai (philia = amour ; sophia = sagesse ; Cf. cours d’introduction à la philosophie + mythe de la caverne).
En effet, elle est ce mouvement qui tend à « aller vers le vrai de toute son âme » (Platon) et c’est pourquoi elle fait de ce thème un des objets privilégiés de sa réflexion.

1) La vérité absolue

Ce qu’il faut bien comprendre, c’est que le vrai véhicule un aspect normatif extrêmement puissant : le vrai et la vérité sont des modèles, des types idéaux auxquels nous devons tous aspirer et qui nous indiquent ce qui doit être.
Le faux ou l’approximatif est toujours une déviation par rapport à ce modèle idéal, comme l’indique souvent le langage courant : faux pas, fausse-note etc…
Bref, la norme se prend souvent pour la vérité et la vérité est normative. Avec Platon, nous saisissons bien le caractère normatif de la vérité, puisque la participation à l’Idée et l’ascension réglée vers elle définissent non seulement la vérité mais aussi le seul modèle de vie et d’existence digne de l’homme.
Ainsi, pour Platon, la cause est entendue : nous portons en nous la vérité originelle. En effet, notre âme aurait contemplé l’Idée du vrai (comme toutes les autres Idées d’ailleurs) avant d’être gagnée par l’envie et de chûter dans son enveloppe corporelle et terrestre (théorie de la réminiscence).
A nous de retrouver la pureté et la vérité originelle, en échappant à l’illusion au premier degré qu’est notre pitoyable existence !
Bonne chance à tous…
L’allégorie de la caverne et la conception qui en découle est certainement un des piliers de base de toute notre culture occidentale.
Néanmoins, cette conception du vrai correspond à un décentrement de l’existence humaine que Nietzsche a fortement critiqué : l’existence de l’homme, en effet, est décentrée du sensible vers le supra-sensible, des « ombres » vers la lumière, c’est-à-dire vers l’Idée. Celle-ci, qui est une sorte de principe d’un Arrière-monde complètement distinct de notre univers sensible, ne représente peut-être qu’une création commode de l’esprit. Pourquoi, dès lors, serait-elle tenue pour le critère du vrai ?

Un problème semblable se pose avec toutes les religions monothéistes qui s’interrogent quant à elles sur le fait que la vérité soit une grâce… de Dieu.
Evidemment, si c’est Dieu lui-même qui nous insuffle la vérité, celle-ci ne peut-être qu’absolue. Il ne s’agit donc plus pour l’homme de rechercher la vérité, mais d’accepter celle qui lui est, purement et simplement, « révélée ».
Cette vérité-là est de l’ordre du dogme, et ne saurait être interrogée ni contredite. Au mieux peut-on l’analyser et la commenter, en lui apportant quelques nuances, mais il est inutile de vouloir exercer à son endroit le moindre esprit critique. Dieu a dit, un point c’est tout, et c’est à prendre ou à laisser…
En acceptant cela, nous quittons très nettement le terrain de la philosophie, qui est réflexive, pour entrer dans celui de la foi – ce qui ne s’entend qu’avec passion.
Pour tous ceux qui n’ont pas eu la chance d’être touchés par la grâce, c’est un peu court…

2) A chacun sa vérité : le vrai est subjectif

Il existe deux termes élégants qui désignent l’ensemble de ce titre et sont vivement conseillés le jour du bac auprès de son prof de philo : c’est le subjectivisme ou, mieux encore, le relativisme.
Le relativisme absolu fut pour la première fois « médiatisé » (c’est-à-dire, à l’époque, diffusé dans les milieux intellectuels) par un sophiste : Protagoras 
« L’homme est la mesure de toute chose » expliquait ce brave homme, signifiant par là que je ne juge les choses que par rapport à moi et que la vérité universelle m’échappe fatalement. Tout est relatif à chaque individu, car les choses sont telles que je les perçois et non comme elles sont.
Cette analyse, pour sympathique qu’elle soit (elle évite en effet à l’homme de se creuser vainement la cervelle pour rechercher une quelconque vérité universelle), comporte d’évidentes lacunes : en effet, Protagoras confond ou en tout cas identifie fâcheusement vérité et sensation ou opinion. A chacun son opinion, soit, mais de là à prendre ce que je ressens pour une vérité, il y a un pas…
Le véritable intérêt de cette théorie, c’est qu’elle remet en cause le dogmatisme, puisque, grâce à la rhétorique, je peux indifféremment démontrer une chose ou son contraire, selon que les hommes d’une société donnée auront choisi une convention plutôt qu’une autre.
De même, le scepticisme, qui doute de tout, remet fondamentalement en question les vérités imposées du dogmatisme. Non, rien n’est vrai parce que c’est comme ça, et la vérité n’est pas révélée. Pour les sceptiques qui pratiquent l’époché (c’est-à-dire la suspension du jugement), elle m’échappe continuellement et je bataille sans cesse pour la découvrir.
Est-ce pour autant qu’il faut s’accorder, avec les sceptiques, à ne plus la rechercher ? Faut-il avec eux déclarer qu’il n’existe pas de vérité universelle ? Rien n’est moins sûr…
En effet, déclarer cela, c’est avant tout dire que les goûts et les couleurs ne se discutent pas et que le bon ou le beau, en définitive, n’existent pas. C’est également affirmer que toutes les opinions se valent et qu’il n’y a aucune justice possible ; que Hitler, finalement, valait bien Churchill et n’a pas fait plus de tort à l’humanité que mère Thérésa, l’abbé Pierre ou Martin Luther King. Et cela, évidemment, est insupportable.
Il faut bien, pour éviter ce scepticisme absolu, parce que nous ressentons que le juste, le beau, l’amour existent, nous permettant de donner un sens à notre existence, il faut bien, donc, tenter de refonder et de justifier une vérité universelle.
Or, à moins d’être touchés par l’index celeste, comment échapper à l’ignorance crasse de ceux qui n’ont eu ni la chance de contempler les idées (Platon), ni celle de rencontrer Dieu (Pascal) ? Certains philosophes, dépassés par l’idéal intouchable que pouvait représenter la vérité, et refusant néanmoins de suspendre leur jugement (sceptiques), ont cherché à refonder un savoir, basé non sur le dogmatisme mais sur la raison.

3) La vérité objective

Au moyen-âge, c’est la fameuse adéquation de la chose et de l’esprit qui constitue la doctrine de la vérité, que l’on nomme doctrine de l’adaequatio . La vérité est alors la conformité et l’adéquation de notre pensée aux choses. Mais cette « vérité » est une simple photographie de la réalité, elle ne suppose aucune construction (lien causal etc…). Elle n’est donc qu’une vérité-copie et n’explique rien.
Le vrai tournant est celui de la philosophie cartésienne. La vérité cesse d’être relative à l’Etre mais devient la marque même de l’esprit humain. Elle est désormais liée à la certitude de l’esprit pensant : c’est la règle d’évidence (Cf. Discours de la méthode, cours d’introduction à la philosophie). La doctrine moderne de la vérité commence à se faire jour.
Descartes, en poussant le doute jusqu’au bout, parvient à une certitude inébranlable. Il répudie comme fausses toutes les opinions admises jusqu’à ce jour. Il trouve la vérité dans la certitude ou l’évidence, qui surgit au sein même du doute. Ainsi, dans le Discours de la Méthode, c’est l’idée claire et distincte qui apparaît critère du vrai. Les idées évidentes se divisent en idées claires (c’est-à-dire manifestes à un esprit attentif), et en idées distinctes (une idée est distincte quand on ne peut la confondre avec une autre idée). Le critère de la vérité est donc dans la connaissance claire et distincte.

«  Le premier précepte était de ne recevoir jamais aucune chose pour vraie que je ne la connusse évidemment être telle ; c’est-à-dire d’éviter soigneusement la précipitation et la prévention, et de ne comprendre rien de plus en mes jugements que ceux qui se présenteraient si clairement et si distinctement à mon esprit que je n’eusse aucune occasion de le mettre en doute.  »
Descartes – Discours de la Méthode

Si l’évidence a pris, pour les Modernes, une telle importance, c’est parce que, en même temps qu’elle emporte la conviction de l’esprit, elle fait apparaître la raison interne des choses.
La raison ne retient ainsi, dans sa quête de la vérité, que les idées claires et distinctes. Mais ce critère ne va pas toujours de soi. S’il est d’utilisation possible en mathématiques (1+1 = 2), son rôle semble beaucoup plus douteux dans le domaine de la connaissance expérimentale (la médecine, par exemple, comme le démontre l’exemple du docteur Ignace Semmelweis – Cf cours d’épistémologie).
La certitude cartésienne constitue un moment historique remarquable dans l’élaboration du vrai. Le sujet construit sa vérité, puisque la lumière de l’évidence est le seul guide véritable. Mais le critère cartésien n’est pas toujours suffisant. Il suffit pour s’en convaincre de considérer la diversité des hypothèses (Cf. cours d’épistémologie) vis-à-vis d’un même phénomène, dont l’interprétation entraîne des discussions sans fin.

4) La vérité ? To be or not to be…

Récapitulons : il existe deux sortes de vérité. La vérité formelle, établie selon des critères épistémologiques et relevant de l’évidence logique, est accessible à l’entendement humain mais n’a aucun lien avec le réel. L’autre, matérielle, se confronte aux phénomènes et semble beaucoup plus difficile à appréhender, ce qui a pu conduire de nombreux penseurs au relativisme ou au scepticisme. Néanmoins, pour ces questions, nous ne pouvons nous satisfaire de l’époché , qui nous conduirait fatalement à l’inaction (Hitler et mère Thérésa : même combat !). Il faut choisir…

Mais selon quels critères pouvons-nous effectuer ce choix ? C’est peut-être à Nietzsche qu’il faut recourir pour solutionner ce délicat problème. En effet, Nietzsche est le grand fossoyeur de l’idée de vérité en tant que réalité idéale (Platon par exemple). Il a tué sans retour l’idée d’une vérité absolue, car il a relié la quête de la vérité idéale à notre besoin de sécurité ontologique. Le métaphysicien projette, dans ce vrai idéal et absolu, son désir purifié des souffrances du temps. Le vrai idéal n’est rien d’autre qu’un remède à l’angoisse existentielle de l’homme, qui forge un monde supposé vrai pour se rassurer et pouvoir ainsi échapper au désenchantement inhérent au monde sensible. La métaphysique est ainsi reliée à une psychologie qui lui donne sens et l’éclaire.
Comment dans ces conditions puis-je cerner la vérité et devant quel tribunal se justifie-t-elle ?
Pour Nietzsche, les vérités multiples et partielles de notre monde sont essentiellement des expressions de nos exigences vitales. Car la connaissance n’est pas une affaire de contemplation (comme chez notre ami Platon et son monde des Idées), mais d’action, maintien pratique de l’homme dans l’existence.
Parvenir au vrai, c’est organiser le monde selon certaines catégories utiles à notre volonté de puissance 

« L’essence de la « vérité », c’est cette appréciation : « Je crois que ceci ou cela est ainsi ». Ce qui s’exprime dans ce jugement, ce sont des conditions nécessaires à notre conservation et à notre croissance »
Nietzsche – La volonté de puissance

Autrement dit… Plutôt mère Thérésa que Hitler !
En effet, en dépassant la pensée de Nietzsche, tout ce que je vise, c’est non seulement ma conservation et ma croissance, mais aussi celle de ma famille, de ma société et plus généralement de l’humanité sans lesquelles je ne pourrais pas vivre. Ceci n’est pas un problème de morale mais d’éthique. C’est-à-dire que je ne m’interdis pas d’adorer Hitler parce que ce n’est pas bien, mais parce qu’il représente, à terme, un réel danger pour ma propre croissance et ma conservation, même si je ne suis pas répertorié ni comme opposant au régime, ni comme homosexuel, ni comme communiste, ni comme juif ou tzigane etc…
C’est parce que je ne peux pas vivre tout seul que l’énoncé « Hitler fut un terrible danger » ne peut pas être faux (c’est-à-dire qu’il est nécessairement vrai) et non parce que la société dans laquelle je vis a moralement décidé qu’il était un personnage détestable (quoique pour une fois, l’opinion et le philosophe se rejoignent).
En bref, la vérité matérielle, ce n’est pas ce que je crois ou non, c’est ce qui est vital, nécessaire à ma conservation. La vérité matérielle, si elle existe, est nécessairement éthique.

A présent, une petite détente, sous forme de jeu. Voici tout un tas d’énoncés « vrais », qui illustrent diverses sortes de vérités, issues de la sensation, du sens commun, de l’histoire, de la physique, de la métaphysique, de l’esthétique, de la logique, de la théologie etc….
Certaines sont formelles, d’autres matérielles. Certaines sont absolues, d’autres relatives ou subjectives, d’autres encore nécessaires . A quelle(s) catégorie(s) appartient chacun des énoncés ci-dessous :

– Il fait jour
– J’ai faim
– C’est beau
– Cette théorie n’est pas valide
– Dolly, la brebis clonée, est une réussite
– Louis XIV a été guillotiné en 1793
– Je pense donc je suis
– La terre tourne
– Dieu existe
– Dieu est mort (Nietzsche)
– La somme des 3 angles d’un triangle = 2 angles droits
– Il faut être vierge à son mariage
– Ne fais pas à autrui ce que tu ne voudrais pas que l’on te fasse
– Dans la banlieue, c’est la jungle : il faut se battre pour exister
– Il faut nettoyer les banlieues au Karcher.
– En temps de guerre, tout est permis
– 1+1 = 2
– Aime ton prochain comme toi-même
– E=MC2
– L’homme est bon par nature, c’est la société qui le pervertit.

Ces « vérités » ou plutôt d’ailleurs « énoncés », que l’on entend quotidiennement, ne sont évidemment pas comparables. Elles peuvent même être en opposition ( « Dieu existe » – « Dieu est mort » )
En effet, non seulement elles ne proviennent pas d’une même source, mais elles n’ont pas non plus la même destination. Les unes visent des objets, les autres des sujets. Et plus encore, il existe une hiérarchie entre les énoncés du sens commun, théologiques, logiques, éthiques, philosophiques ou scientifiques par exemple.

Car tous n’ont ni le même but, ni la même valeur. Certains énoncés sont universels, d’autres pas. Certains sont éthiques, d’autres pas. Certains sont universels et révoltants ( « J’ai peur de tout ce que je ne connais pas et qui m’est étranger : si seulement je pouvais m’en débarrasser… » ), d’autres subjectifs et respectables, même s’ils paraissent « bizarres » ou « effroyables » à nos yeux (« Au mexique, on peut vous servir des vers vivants ou des sauterelles grillées en apéritif » ; « Les français accommodent des grenouilles par intérêt gustatif » etc.)
Pour connaître la vérité, la vérité universelle, nous devons faire un tri dans ces énoncés. Est-ce parce que un énoncé est universellement reconnu qu’il est vrai ? Est-ce parce qu’il est subjectif qu’il est faux ?
Et vice-versa….

La vérité « en soi » est à découvrir. Il semble difficile de maintenir une vérité absolue sur le mode Platonicien.
Par ailleurs, admettre le principe du relativisme entraîne un pluralisme d’opinions qui conduit l’esprit humain au doute généralisé, et, éventuellement, aux pires excès : si tout se vaut, aucune opinion, même la plus affreuse, n’est à bannir.

Peut-être que l’homme effectivement, ne peut pas connaître la vérité absolue (seuls les fanatiques ou les dictateurs parviennent à le faire), mais il est néanmoins capable de déceler l’erreur. C’est peu et c’est énorme.
Car, en définitive, c’est à chacun d’éviter les pièges de l’erreur, voire de la faute (sans parler d’Hitler, pensons aux pauvres types qui lui ont obéi, soit par lâcheté, soit par manque d’information, soit tout simplement parce qu’ils avaient une famille à nourrir et trop peu de questions à se poser).
Choisir son camp, même de manière virulente (sans tomber dans l’excès, bien sûr, afin de ne rien partager avec les fanatiques de tout poil contre lesquels il faut lutter), c’est un engagement volontaire, une prise de conscience, un acte individuel qui permet d’accéder, non pas à La vérité (ce serait présomptueux !), mais à une vérité qui nous éloignerait de l’erreur. En fait, il ne faut sans doute point tant rechercher la vérité « en soi » que de débusquer l’erreur, partout où elle se trouve, sur un mode Socratique.
La vérité, si elle existe, est nécessairement maïeutique : interroger autrui comme soi-même sur ses insuffisances de raisonnement, sur ses a-priori, sur ses dogmes, sans pour autant livrer une vérité révélée ou absolue qui, puisqu’elle relève d’une foi individuelle, ne saurait être universelle.

L’homme tâtonne. D’essai en tentative, il parvient de mieux en mieux à décrire le réel et ce qui l’entoure. Mais nul homme n’est parvenu à décrire la totalité du réel.
Restons humbles : si la vérité « en soi » existe, s’il faut la postuler pour échapper au relativisme amoral [6] qui pourrait nous aliéner, par passivité, aux théories les plus abjectes, sans doute nul homme, à lui tout seul, ne saurait la rencontrer.
Chacun détient d’infimes parties de vérités, après de maints efforts. C’est à chacun qu’il revient d’accéder à la ( et non pas à « sa » ) vérité sur le monde et sur lui-même. Pour ce faire, il doit distinguer ce qui en lui est savoir ou simple opinion, sujette au doute…
Faire le tri, donc, encore une fois : c’est le syndrome de la « table rase », que nous avons étudié dans le discours de la méthode.

L’accession à la vérité est un acte individuel que nul ne peut accomplir pour un autre. C’est une démarche personnelle. Mais il existe pourtant du « vrai » à découvrir : chaque intelligence doit se mesurer, à l’intérieur comme à l’extérieur de soi, aux choses…

Sujets de réflexion :

- L’opinion est elle un bon guide ?
- Tolérer, est-ce accepter toutes les opinions ?
- Est-il juste d’affirmer que toute opinion en vaut une autre ?
- Peut-on venir à bout d’un préjugé par un raisonnement ?
- Peut-on combattre les préjugés ?
- Existe-t-il de bons préjugés ?
- L’unanimité est-elle critère de vérité ?
- La vérité est-elle accessible à l’homme ?
- Qu’est-ce que la vérité ?


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Protagoras (490 – 420 av. JC), philosophe grec, un des principaux représentants et le plus ancien des sophistes grecs. Né à Abdère (Thrace), Protagoras aurait été contemporain de Démocrite. Leurs théories respectives sont d’ailleurs parfois confondues, selon qu’elles sont exposées, par exemple, par Platon (Théétète, Protagoras) ou par Théophraste. À la faveur de plusieurs séjours à Athènes, il acquiert une notoriété considérable comme enseignant et philosophe. Protagoras est aussi le premier penseur à revendiquer pour lui-même le nom de sophiste et à enseigner contre rétribution. Ses principales œuvres, dont seuls quelques fragments subsistent, sont intitulées Vérité et Sur les Dieux.
Selon Protagoras, toute sensation est relative, soit à l’objet, soit au sens. Tout ce que l’individu perçoit, ou croit percevoir, n’en est que le phénomène, qui constitue donc la seule connaissance des objets extérieurs que nous puissions avoir. Puisque « toutes nos connaissances viennent de la sensation », la thèse principale de Protagoras, résumée dans la formule : « L’homme est la mesure de toutes choses, de l’existence des existants et de la non-existence des non-existants », signifierait donc que l’Homme, dans ce monde où règne le relativisme absolu, peut bien émettre simultanément des jugements contradictoires, puisqu’aucun principe ne peut venir les contredire.
Accusé d’impiété par les Athéniens, Protagoras s’exile. Il périt noyé alors qu’il cherche à gagner la Sicile…

 « Adaequatio rei et intellectus » : la formule est d’un médiéval nommé Isaac Israeli qui traduit ce que pense le sens commun : on est dans le vrai lorsque les mots et les pensées se superposent ou se correspondent. Les plus grands philosophes donnent leur caution à cette métaphore mathématique, Kant par exemple.

 Épokhè en grec

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